La
Plateforme des organisations de la Société Civile pour l’Observation des Elections en Côte d’Ivoire (POECI), organisation non partisane
et spécialisée sur
les questions d’observation électorale
et
de promotion de la démocratie, participe au
suivi des différents processus électoraux
en Côte d’Ivoire depuis sa création en 2015. Ainsi, après l’observation de l’élection
des
sénateurs en mars 2018 et l’opération de révision de la liste électorale, la POECI a observé
la tenue des scrutins du 13 octobre 2018 à travers le PVT ou Comptage rapide des votes par le déploiement de 759 observatrices et observateurs citoyens fixes et 120 observatrices et
observateurs mobiles rigoureusement formés
pour observer le déroulement du
vote selon un échantillon aléatoire
statistiquement représentatif des bureaux de vote (BV) au niveau national
dans les
107
départements, les 13 communes
du
District
d’Abidjan
et le District de
Yamoussoukro.
Introduction
La POECI a observé les élections régionales et municipales du 13 octobre 2018 par la
méthodologie PVT (Comptage rapide des votes) par le déploiement, pour
l’ensemble du territoire, de
762 observateurs et observatrices. 3 bureaux de vote
échantillonnés dans la commune de Port-Bouet n’ont pas été ouverts en raison de l’absence des agents électoraux. Les
observateurs déployés dans ces
bureaux n’ont pu faire une observation
complète de la
journée électorale. Les observateurs et observatrices de la POECI ont reçu l’Arrêté N° 037/CEI/PDT
du 27
septembre 2018 de la Commission électorale indépendante (CEI) pour suivre tout le déroulement du scrutin
: du démarrage du vote,
en passant par le déroulement du vote, le dépouillement des bulletins jusqu’à l’annonce des résultats dans les bureaux de vote. Les
rapports de la POECI
se fondent sur des données recueillies en temps réel auprès de 759
observatrices et
observateurs qui ont effectivement
observé sur les 762 déployés sur le terrain.
Ainsi, le dimanche 14 octobre, sur
la base des informations
recueillies auprès de ses 759 observateurs et observatrices, la POECI a produit une déclaration préliminaire sur le déroulement du vote,
relevant que l’élection s’est bien déroulée dans l’ensemble mais sur fond de tensions. La POECI a pu confirmer 291
incidents critiques dont 14 cas d’interdiction aux observateurs et observatrices POECI de rester dans les bureaux de vote tout au long de la
journée, 87 incidents faisant état de manque
de matériel électoral, principalement isoloir, kit d’authentification biométrique
et encre indélébile. 79 incidents faisaient état de suspension des
opérations de vote pendant
plus de 30 mn.
Par ailleurs, une personne a été tuée à Lakota, de nombreux blessés et des destructions de biens
publics et privés ont
été
enregistrés le jour du scrutin.
En outre, de nombreuses
rumeurs
d’affrontements
entre sympathisants, d’attaques sur des personnes et des biens,
d’intimidations
ont circulé au sein des populations
et sur les réseaux sociaux. De
plus, l’environnement post-
électoral a été
marqué par 2 morts à
Séguela,
1 à
Abobo et de nombreuses manifestations de contestation
avant
et après la proclamation des
résultats provisoires par la CEI.
La Commission électorale indépendante (CEI) a proclamé les résultats provisoires des élections régionales et municipales du dimanche
14 au mardi 16 octobre
2018, respectant ainsi la
législation en vigueur sur la proclamation des résultats provisoires qui donne
un délai légal de
5 jours.
A son tour, la POECI rend donc publique son estimation
du taux de participation des élections
municipales au
plan national.
Comparaison entre le résultat
officiel provisoire de la CEI et
l’estimation par le PVT
Concernant les élections municipales pour lesquelles elle
se prononce sur le taux de
participation, la POECI a déployé 458 observateurs et observatrices selon un échantillon
aléatoire et représentatif des bureaux de vote au niveau national. Cependant, 3 bureaux de vote
n’ont pas ouvert à Port-Bouet le jour du scrutin en raison de l’absence des agents électoraux. Ce
qui fait que la POECI a traité les rapports de
99,3%
des données selon l’échantillon aléatoire et représentatif, soit 455 BV pour 3185 SMS. La non prise en compte des 3 bureaux de vote
n’impacte nullement les résultats générés dans
le cadre de
la
méthodologie PVT.
Le tableau ci-dessous offre une comparaison entre le taux de participation
officiel provisoire annoncé par la CEI
et
l’estimation indépendante dégagée par
le PVT de la POECI. L’étendue
estimée est basée sur le
degré de précision.
LE PVT statistique national de la POECI
(échantillon de
455 bureaux de
vote du total
des BV à scrutin municipal) |
||||
|
Résultats Officiels de la CEI |
Estimations PVT POECI |
||
Estimation |
Marge d’erreur |
Intervalle |
||
Taux de participation |
36,20% |
37,4% |
+/- 1,8% |
35,6% - 39,2% |
Bulletins nuls |
N/A |
3,4% |
+/- 0,4% |
3,0% - 3,8% |
Bulletins blancs |
N/A |
1,3% |
+/- 0,5% |
0,8% - 1,8% |
Note: Marges d’erreur
basées sur une échelle de confiance de 95%.
Le taux de participation
officiel provisoire annoncé par la CEI est compris dans l’intervalle des
estimations de la POECI.
Conclusion
Au terme de son observation des élections régionales et municipales de
2018, la POECI
constate que le taux de participation à l’élection municipale
de 36,20 % est en légère régression par rapport au taux de 2013 qui était
de 36,49%. Cette tendance baissière du taux de
participation vient confirmer le désintérêt des populations
pour les processus électoraux et politiques. La POECI
avait déjà dénoncé cet état de fait dans sa déclaration finale sur les
élections législatives de 2016. C’est pourquoi, la POECI
invite les différents acteurs à
s’engager dans une réflexion profonde sur le
processus
démocratique et à renforcer les
campagnes de sensibilisation afin d’inciter les Ivoiriennes et
Ivoiriens, notamment
les jeunes à
s’inscrire sur la liste électorale et à participer massivement aux différents scrutins pour plus de
légitimité aux institutions.
Des élections régionales et municipales
empreintes
de
tensions
La POECI déplore le climat de tension et de
violences ayant accompagné ces élections
régionales et municipales qui ont entraîné des pertes
en
vies humaines, des
destructions de biens privés et publics, des actes d’intimidation,
des achats de conscience, des manipulations
et
tentatives de manipulations des résultats. L’immixtion de l’Exécutif
dans certaines
circonscriptions
électorales, la
pression et le
trafic d’influence sur les
agents électoraux et les menaces et autres violations des droits humains ont de
plus été observés pendant la campagne électorale, le jour du scrutin et pendant la période post-électorale. La POECI
demande au
gouvernement que des enquêtes soient
diligentées afin de situer les responsabilités sur ces faits
graves qui ont entachés le bon déroulement des élections et créer la
psychose au sein des populations.
Une faible
participation des
femmes
La POECI regrette que la participation des femmes au processus électoral reste encore faible. En effet, selon les résultats provisoires publiés par la CEI, seules 16 femmes ont remporté les municipales comme tête de
liste sur 46 et seulement 1 femme comme tête de liste pour les régionales 7 candidatures. La POECI est déterminée à poursuivre ses actions de sensibilisation
et
son plaidoyer pour
une participation
plus importante des femmes dans les processus
électoraux en Côte d’Ivoire.
Recommandations
à la CEI
La POECI remercie la CEI et
ses démembrements
pour
avoir facilité
le
travail de
ses observatrices et observateurs sur le terrain et dans les bureaux de vote, malgré quelques cas d’empêchement d’observer. Elle félicite également la CEI pour avoir proclamé les résultats provisoires dans les délais impartis.
La POECI dénonce la manière dont certaines Commissions électorales locales ont fonctionné, rendant les résultats proclamés suspicieux dans
certaines régions et municipalités sans une traçabilité des procès-verbaux et des résultats s’y rapportant. Elle
encourage les candidats
et candidates qui le désirent à faire les recours nécessaires conformément aux procédures qui régissent
le contentieux électoral.
Afin d’éviter des suspicions sur les résultats issus des urnes, la POECI encourage la CEI à faire une
publication des résultats bureau de vote par bureau de vote dans un format exploitable pour toutes les circonscriptions
électorales. Ce qui est une bonne
pratique en matière électorale, qui peut renforcer la crédibilité
du processus électoral.
La POECI souhaite que l’institution judiciaire en charge du contentieux se prononce en
renforçant la légitimité des
personnes élues et en
se
basant sur la vérité des urnes. Il y va de la paix sociale
et
de la préservation des acquis démocratiques que
la Côte d’Ivoire
a engrangés
ces dernières années.
Nécessité
des
réformes électorales et
politiques
La POECI
conclut que la
réforme
électorale devient une
priorité absolue après les faiblesses
du système électoral découvertes
lors de ces élections régionales et
municipales. Elle souhaite que ce chantier
soit engagé dès maintenant pour rebâtir des consensus forts afin d’éviter une
crise post-électorale en
2020.
La POECI appelle les Ivoiriennes et les Ivoiriens à s’engager massivement pour un processus électoral apaisé en 2020 et à
participer de manière active à toutes les étapes du prochain cycle
électoral notamment la réforme électorale, la mise
en
place d’une nouvelle Commission
électorale, la révision de la liste électorale, l’éducation civique électorale, l’organisation et la tenue
des élections
présidentielles, législatives et sénatoriales.
La POECI continuera de faire le suivi de l’environnement post-électoral de ces élections municipales
et régionales de 2018.